Thème de la Conférence
Musées et paysages culturels
Le paysage italien est connu dans le monde entier. Il a été décrit, représenté et visité à toutes les époques. Au dix-huitième siècle, le Grand Tour a fait de l’Italie la destination incontournable pour toute personne à la recherche de la meilleure synthèse d’histoire et de beauté naturelle. Qui n’a dans les yeux au moins un de paysages de l’extraordinaire gamme que recèle la péninsule, qui des Alpes s’étend jusqu’au coeur de la Méditerranée, avec ses arrière-pays et ses rivages ? Qui n’a en tête au moins un des innombrables monuments que l’on rencontre en parcourant l’Italie, stratifié palimpseste de témoignages de l’Antiquité à nos jours, en passant par le Moyen Âge, la Renaissance, le Baroque, le néoclassicisme ?
Ses grands musées sont tout autant célèbres : les Uffizi, la Pinacothèque de Brera, les Galeries de l’Académie à Venise, Capodimonte, la Galerie Sabauda ou les musées du Vatican, tous font partie intégrante de cet immense patrimoine. Leurs oeuvres d’art comptent pour une part essentielle dans ce Musée imaginaire que décrivait André Malraux, tout comme celles que recèlent les églises, les palais seigneuriaux, les villes et les bourgs du « Bel Paese ». Ces musées d’art et d’archéologie, mais aussi les sites et monuments historiques font de l’Italie un grand musée diffus, un « musée à ciel ouvert ».
Le panorama muséal italien est bien plus riche et diversifié que son image: outre les grands musées issus des collections dynastiques des États préunitaires (avant 1861, l’Italie était divisée en plusieurs États indépendants) et le réseau majeur des musées civiques des principales villes, on dénombre des centaines de petits musées locaux, dont la plupart ont été créés au cours des dernières décennies. En 2011, l’Italie recensait 4588 musées et établissements assimilés : 3 847 musées, 240 aires et parcs archéologiques, 501 sites et monuments historiques. Près d’une municipalité sur trois compte au moins un musée, quand ce n’est pas une sur deux dans certaines régions. L’Italie est un pays où, comme l’a décrit André Chastel, « Tout est diffèrent quand par une sorte d‘emboîtement exemplaire la collection s‘inscrit dans l‘édifice qu‘enveloppe la cité et que se répondent ces trois formes du musée. » 1.
Les paysages culturels ont évolué : agressés par le développement urbain et industriel, ces paysages célèbres ont toutefois été éservés. En dépit de leur transformation, ils ont su conserver leur charme d’antan. De nouveaux paysages ont aussi fait leur apparition, expression d’une modernité déjà en partie historique, tandis que la notion même de paysage a changé et ne cesse de gagner de nouveaux territoires mentaux et visuels.
En invitant leurs collègues du monde entier à la 24e Conférence générale de l’ICOM qui se tiendra à Milan du 3 au 9 juillet 2016, e Comité national italien leur propose de réfléchir à un thème cher à la muséologie italienne : le rapport entre musées et paysages culturels. Une question centrale pour l’Italie, qui s’avère une perspective stratégique pour les musées du monde entier en ce troisième millénaire.
Ce thème constitue à la fois une opportunité et un défi en vue de repenser la mission du musée et de renforcer leur rôle culturel et social.
ICOM Italie propose d’aborder ce thème selon deux axes principaux :
Les musées, surtout quand leurs collections sont issues du contexte qui les entoure, n’ont-ils pas le devoir d’assumer aussi la fonction et le rôle de centre d’interprétation pour le territoire et la communauté dont ils sont expression et qu’ils desservent ?
De quelle manière, en s’appuyant sur quels moyens, quelles initiatives et propositions les musées peuvent-ils contribuer à iffuser la connaissance du patrimoine culturel présent dans et hors leurs murs?
Nous pensons que les musées doivent se sentir responsables de leurs collections, mais aussi du patrimoine qui les entoure. Ils doivent se poser en responsable actif de tutelle et agir, grâce à leurs professionnels, sur le territoire où ils s’inscrivent, dans une perspective qu’en Italie a pris le nom de museo diffuso : c’est-à-dire un musée qui s’affranchit de ses limites physiques pour s’étaler au territoire, en élargissant ainsi son action et sa responsabilité à l’ensemble du patrimoine culturel.
Les musées assument ainsi la responsabilité du paysage culturel et deviennent alors :
- dépositaires de sa connaissance, documentée par ses collections, ses travaux de recherche et ses activités scientifiques ;
- protagonistes de nouvelles investigations sur le patrimoine culturel en tant qu’institution active dans la protection et la conservation des biens présents hors de ses murs aussi ;
- engagés dans la gestion de ces biens, en développant une nature partagée par beaucoup d’entre eux : celle d’être des musées
- diffus et des centres d’interprétation du patrimoine local ;
- responsables de l’éducation au patrimoine et au paysages culturels ;
- acteurs de la protection et de la conservation du paysage, ainsi que de son développement. Et donc, avec d’autres partenaires,
- aussi de planification urbaine et paysagère et de la promotion du tourisme culturel ;
- gardiens des valeurs historiques et culturelles du paysage, et agents de son développement durable, car ce dernier les respecte et valorise.
1. A. Chastel, Italia museo dei musei, in I musei, TCI, Milano 1980, p.14